19 juin 2011

L'art contemporain, so gay.




Je bosse dans le milieu depuis quelques années maintenant, d'ailleurs vous noterez que ma déformation professionnelle me pousse à dire "milieu" et non "branche", ou "spécialité", car oui, on parle bien de milieu (Does it ring a bell ?). Alors des moments cocasses, j'en ai quelques uns en stock.  Morceaux choisis.


"Vous trouvez pas qu'elles font lesbiennes ?"
Mr Trodlatune, travaille dans la finance, 42 ans, marié, trois enfants. Mr. regarde les tableaux que ma galerie présente et s'arrête avant une représentation de deux copines, se taquinant en pleine rue. Sérieusement, pas de quoi fouetter Delanoë. Mais Mr Trodlatune, joyeux troublion, aime s'encanailler, et m'achète donc mon tableau, ne sachant plus comment se retenir de me dire "J'espère que ça donnera des idées à ma femme !!" Wonder Tata, super actrice, feint une franche rigolade devant un humour si plein de finesse, en lui tendant sa facture, parce que ouai, moi ta vanne pourrie, rien à foutre, moi je veux ta carte amex.


"Comment on dit 'boyfriend' en français  ?" 
Lorsque l'Ambassadeur d'un pays du monde arabe rentre dans la galerie, la coutume veut que tu t'écrases. Tu souris, surtout, tu fais bien la potiche. Ces gens-là ont de l'argent, arrrgeeent comme dirait Mopral. Après avoir fait son petit shopping à trois zéros, il me dit :
- "Rah Madimoiselle, vous êtes célibataire ?
- Euh oui...
- OH ! Nan j'y crois pas !
- Non, mais pour le moment !
- Ah oui!  Il faut vous trouver un... un... comment on dit 'boyfriend' en français  ? Il vous faut un boyfriend qui se rende compte à quel point vous ziètes gentille  car vriment, j'insiste, vous ziètes une perle rare Madimoiselle!
- Merci Monsieur l'Ambassadeur..."
Je prends mon portable, écris à mon crush du moment : "Tu devineras jamais ce que l'Ambassadeur vient de me dire... Parait que je mérite un super boyfriend *wink wink*"...


"Viens me sauver, il me colle aux baskes celui-là !"
Mise en situation : nous sommes en plein vernissage, l'ambiance est chaude..  humide..  L'alcool coule à flots, et je commence à parler aux clients de façon très "moi" : "Non mais attendez, aujourd'hui les gens vous vendent des conneries à un prix exorbitant, quand je vois des galeries soit-disant d'art qui vous vendent des tirages photos en 100 exemplaires comme tirages d'art, j'ai envie de vous dire, oui Monsieur, arrêtez de vous faire prendre pour un con  !!!" Et généralement, ça fait plutôt sourire de voir ce petit bout de femme qui dépasse pas le mêtre soixante aux joues toutes roses s'exciter comme une puce sur les injustices de ce monde. Ce soir-là, un grand gaillard me colle. Il me trouve surement passionnante, fort bien pour lui, mais après lui avoir fait visiter ma galerie deux fois, j'ai plus grand chose à lui dire...  Je profite de mon verre de vin vide pour m'échapper : "N'a-t-on jamais vu un verre vide !! Je reviens !" Et jamais femme ne reviendra. Derrière la table des collations, ma collègue vogue.
- "Viens me sauver, il me colle aux baskes celui-là !
- Qui ça ?!
- Le grand là ! Tout en noir  !... Putain, il se ramène, j'te jure qu'il veut me troncher!!"
Elle éclate de rire devant mon air de jeune vierge effarouchée, et alors qu'il vient s'installer près de la table, je ne laisse aucune chance à ma collègue...
- "Ne vous ai-je pas présenté notre responsable artistique ?, lui dis-je.
 - Non, je n'ai pas eu cet honneur...
- Tiens, nous parlions justement de la difficulté de trouver des artistes de talent.. "
Superbe démarrage de conversation, je m'auto-congratule de la trouvaille, et feignant avoir du mal à ouvrir une bouteille de vin, je m'extirpe de l'espace exigu et oppressant de cette table, pour aller rejoindre...

"Elle te plait l'assistante, hein ?!"
... Mon autre collègue, en charmante compagnie, très charmante la compagnie. Je me terre parmi ce petit groupe à part, composé de la plus rock'n'roll de mes coworkers, de l'attachée-presse et de son assistante. Assistante dont le charisme exotique ne me laisse pas du tout de marbre, et alors, je me perds dans ce parfum ambré et délicat qui m'englobe désormais. Nous commençons à casser du sucre sur le dos des concurrents, soyons honnêtes, ça détend. Mais c'est qu'elle a une superbe voix grave et posée, l'assistance..  Miam Miam.. La discussion s'éternise, j'adore, mais voilà le temps venu de se dire au revoir. Toute la soirée, j'ai tenté des regards indiscrets par dessus les épaules pour avoir à me gargariser de ma Saveur venue d'ailleurs. C'est donc  le visage taillé d'un demi-rictus que nous nous faisons la bise.
Zut, mon téléphone sonne, texto, mon crush du moment qui m'écrit. Ma collègue me souffle à l'oreille tout en se marrant "Arrête d'écrire à des filles !":
- "Boarf tu sais, je suis même pas sûre que ça vaille le coup.. Dis-donc, t'as vu l'assistante ?
- Elle te plait l'assistante, hein  ?! Hahaha
- Bah franchement, si on était dans une autre civilisation où tu peux balancer au milieu d'un vernissage ' Eh au fait, je suis gay et tu me plais, on va boire un verre ?', j'me serrais pas gêné ma poule !"
Faut dire que l'assistante, elle est quand même très mignonne, avec ses petits talons, son rictus et ses yeux de velours. Mais dans son petit slim, j'ai aucun moyen de savoir si elle joue la carte Incognito comme moi.  Suite au prochain vernissage.

"T'es au courant que t'es qu'une grosse pute ?"
Quittons mon merveilleux vernissage pour une réunion pré-salon. Ce jour-là, je me suis réveillée dans les bras de ma toute nouvelle chère-et-tendre, accessoirement ma supérieure sur un salon d'art contemporain.  Non mais arrêtez, c'est méga hot de se troncher sa boss ! Après ce que la nuit avait apporté de réjouissances, nous voilà assises en hémicycle, nous stagiaires, face à nos deux grands patrons, et ma dite supérieure. Parce que je suis très bonne élève, je m'assois au premier rang. Parce que je suis très mesquine, et qu'elle est encore dans le placard, je tapote discrètement le bout de mes doigts sur ma bouche, comme impatiente.  Je croise son regard, hume le bout de mes doigts.  Elle étouffe un rire, noie le poisson dans la sacro-sainte toux. Les joues rougissantes, elle prend la parole pour nous expliquer nos rôles sur la manifestation. Elle expédie, rapide et efficace, et surtout, en me chassant de son champs de vision . Réunion achevée, elle me tire par la manche, vite, vite, me traine derrière un stand, "T'es au courant que t'es qu'une grosse pute ?" " Héhéhéhé.. " " Non, mais toi, j'te jure.."


Allez, soyons généreuse, en bonus, Tata au Léviathan d'Anish Kapoor. Art Contemporain, so chic.  

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