9 janvier 2011

Tata's on fire !





Pourquoi ?
Du fin fond de mon petit patelin dans les Pyrénées fort campagnardes, j'avoue, à part une actrice X très très salope, le mot lesbienne n'évoquait pas grand chose pour moi sinon les magazines porno que mon grand-frère cachait sous son lit sans savoir que sa petite-soeur aussi se touchait dessus. Question de partage familial, ne soyons pas jaloux. Aussi débile que ça sonne, un jour, j'ai ouvert TéléStar avec un gros encart qui a littéralement agressé mes yeux : "The L Word, la gay-attitude venue d'Outre-Manche". Quoi, quoi, quoi ? Canal Plus passe du hard en prime-time  ? No way... J'ai matté les premiers épisodes diffusés un peu en douce, tant bien que mal, dans le noir, sur le grand écran plasma familial. Forcément, c'était couru d'avance, grillée par ma mère et ma "série de zouloutes" devenait sa préoccupation première, au delà du BAC dans quelques mois. J'ai cogité les quelques images que j'ai pu sauvegarder dans mon cerveau 2.0 : ça serait donc la réponse toute bête à mon mal-être, à cette langueur monotone, comme dirait l'autre, que j'ai toujours plus ou moins eu, comme un flegme vital à mon être autant qu'indésirable ?  C'est quand même stupide qu'une série-télé, qui plus est amerloque, trouve la solution à 15 ans de déprime... Soit. Ça doit être une illusion. Ou pas. Surement pas en fait. Ouai, en fait, non. Quelques mois plus tard, tout était devenu clair: avec ce nouveau paramétrage sexuel, j'étais fin-prête pour vivre ma vie. Je googlelais The L Word, trouvais un forum rudement poilant. Mon dieu, mais en plus, ça communique, une "lesbienne" ? Vite fait, bien fait, je me liais d'amitié avec quelques nanas, une me branchait pas mal. Ça s'engage bien, elle est belle, elle est blonde, elle est drôle... Tata fond. Et en avant pour une toute nouvelle vie de pirate du sexe, ô moi, prude Tata !

Comment  ?
Alors oui, forcément, au début, c'est tout beau tout neuf ! T'as envie de dire à tout le monde à quel point ta dulcinée est géniale et t'y arrives pas forcément. J'avais pas toujours envie d'en parler, d'ailleurs. J'étais vraiment mitigée entre le besoin de lutter pour ma nouvelle famille d'adoption et aussi de garder pour moi cette petite bulle intacte du regard néfaste des autres. Je me suis renseignée, j'ai affiné mon avis sur la question, je commençait à me passionner pour les femmes couillues à travers l'Histoire, souvent lesbiennes d'ailleurs. Comment elles, comment moi comme elles,   peuvent changer un peu du Monde et nous le rendre plus rose pour demain. Il faut dire qu'artiste ratée de ma condition, gueuler pour la Révolution, c'était un peu mon passe-temps favori  !
Des quelques mois qu'il restait de Lycée, autant y aller franco, gros coming-out. De toutes façons, j'me tire à Paris dans pas longtemps, on va dire que c'est un coup d'essai avant la capitale. Mis à part une copine qui s'est subitement mise à pleurer, baignant ses encouragements et congratulations de sanglots, réaction légèrement bipolaire vous conviendrez, tout s'est passé en douceur. Les super-copines ne s'en doutaient pas du tout : faut dire que je suis du genre jupe courte, ongles peinturlurés et gros trait d'eyeliner, la marque de fabrique Tata depuis 2004. En plus, j'avais déniché un pseudo-mec via un site de rencontres, qui fou amoureux de moi, voulait traverser la France - il habitait Caen - pour venir me voir. Ce à quoi je répondais que j'étais très satisfaite de son petit texto câlin-je-te-love du matin en échange d'un matage de nichons par cam le soir, que je voulais pas le voir. Pas folle la Tata, les petites attentions mais pas le mec.
Non vraiment, c'était pas possible de s'en douter. Mais ça ne les a pas étonné non plus. Après tout, j'ai toujours été une originale, et s'il fallait une première lesbienne dans l'Histoire du Pyrénées High School Gossip, j'étais funky fresh pour le rôle !

Et donc ?
Et non, pas de coup de foudre pour ma camarade de classe, ni de premier coup avec une pétasse sans scrupule qui m'aurait manipulée. Etre gay, ça a commencé tout naturellement. C'était la réponse à une question en suspens, non formulée. Ma première love-story était honnête, sincère. Mes potes étaient compréhensifs, heureux pour moi. Mes parents l'ont eu un peu dure, mais bon, le bonheur des enfants avant tout  ! J'ai vraiment eu de la chance d'avoir tous les paramètres réunis pour qu'il n'y ai pas de vague, que d'la moule. Avec ma super valise chargée à bloc et un aller sans retour avec la caisse du frangin, Paris here I am !
J'intègre une école de business d'art fort sympathique, sort dans mon premier club lesbien. Le mythique Pulp, selon une très bonne amie rencontrée sur Gayvox. Pour la première fois de ma vie, je vois deux nanas s'embrasser pile devant moi, et même si j'avais déjà été en couple, ça avait quelque chose d'interdit. Je me sentais relativement vierge entre les goulues embouchades et Marie-Thérèse, 42 ans, qui me drague au bar. Hmm, Tata, 18 ans, pas intéressée.
Fraîchement arrivée à Goudouland, j'étais quand même pas super convaincue du big fat coming-out. Après tout, ce que je fais dans mon pieu ne regarde que moi, et déjà que j'ai une poitrine énorme, si en plus je dis que je suis gay, je finis d'achever mon pervers de maître de stage. Ménageons le pauvre homme... Finalement, je le dis à ma classe, au détour des conversations, sans plus de fioritures ni revendications. La politique, c'est pas mon truc. Et je prends goût à cette vie que je ne dévoile que si on me le demande. Les hétéros, eux, ils parlent de plein d'autres choses que le sexe, que l'amour + sexe, voir amour + sexe + drugs le samedi soir à 8h du mat. J'ai d'autres ambitions dans la vie... Je me balade dans le milieu, découvre l'esprit. Il me déçoit un peu car c'est de la chasse à l'état pur, il n'y a pas vraiment de place pour le naturel. Bien sur, il y a des filles comme moi paumées au milieu des Diane Chasseresses, mais la mayonnaise ne prend pas. J'essaye un peu les bars, et c'est encore pire car il y a moins de bruit, donc je suis obligée de les écouter réciter leurs stratégies dragouille sans pouvoir me regarder dans les yeux. Moi, dans la vie, je sais que ça semble étrange, et dépaysant, mais j'aime les choses simples, authentiques, évidentes. Je n'aime pas m'embarrasser d'apparence. Donc je ne m'embarrasse pas de l'adresse des bars. Comble de l'ironie, mon école se révèle être un nid à filles, avec l'avantage qu'on aime toutes l'art, les bouquins poussiéreux..  Ouiii, d'accooord, c'est un peu me prendre par les sentiments un plan drague sur fond de Nietzsche et Picasso. Ca pue le plan drague aussi, ok,  d'accord, mais y'a pas à dire, le seul moyen de me dresser le bouton d'or, c'est la masturbation intellectuelle..
Mais dans ma petite vie de lesbienne pirate, il n'y a pas grand chose qui aide mon prochain. D'où l'idée de ce blog. Car comme Jenny Shecter, comme moi, il y aura une autre nana qui se pose des questions qui va taper sur google " lesbienne " avec le code parental activé pour ne pas tomber uniquement sur des photos du Mont Vénus en 4 par 3. Et elle verra qu'être lesbienne et le vivre bien, tranquillement, c'est possible.