30 mai 2011

Tata, catapultée dans Hétéroland.

Samedi soir, grosse réunion entre anciens de promo chez Flo, ma grande pote, royaliste par erreur. Dispersés à travers l'Europe, à travers la France, c'est toujours un grand moment d'émotion quand on arrive à tous se capter pour une soirée. Me voilà donc prête, plus que prête à passer une excellente soirée.
Nous sommes une petite quinzaine, mais tous bien éméchés. Au milieu des anciens, sont les nouveaux, les potes de potes, des inconnus au bataillon que l'alcool rend très sociables. Alors que je suis en tailleur, en face de la table basse (restons près des bouteilles) à enfiler mon 5ème shot de Goldwasser, les langues se délient, et les gens font allusion par dessus mon épaule de ma goudouattitude, à coups de blagues pour initiés.

Deux beaux mâles de ce qu'on fait de plus BCBG, des nouveaux arrivés, se lancent des regards intrigués.
R., coincé dans son costume sombre, se jette à l'eau : "Mais genre, Tata, tu fais des calins à tes copines"
Tata ( bourrée ) : Bah ouais !
R. : Mais genre souvent ? Tu câlines tes copines comme ça ?  (Tête de l'homme qui prépare son plan à trois)
Tata ( toujours bourrée ) : Bah ouais !!!
Flo (Toujours extrêmement distinguée) : Non mais cherche pas, elle est lesbienne  !

Enfer et Damnation, elle est quoi ? Monsieur se décompose, ou presque, devant le couperet qui vient de tomber. Bon, il faut dire que quand je suis bourrée, je suis très câline, et alors que R. essayait de se regrouper les émotions, Flo. passait par là, et je me suis empressée de lui faire un gros câlin, "Oui, Tata, elle aime ça", dis-je en me roulant dans les épaules de Flo. On va dire que relier le son à l'image était pas forcément une des idées les plus judicieuses que j'aurais pu avoir  !

L. regardait la scène, et pour un blondinet d'apparence on ne peut plus sage, profite de la bonne humeur régnante  et enchaine.
L. : " Alors moi, je me suis toujours posé une question, entre hmm...  entre filles, vous utilisez des godes ?"

Et voilà !  Et ca y est, Tata, catapultée dans Hétéroland, allons-y gaiement pour les remarques qui ont les clichés au bord de la bite, voir la moule au bord des yeux. On me demande si c'est vraiment possible de convertir les femmes comme des euros, si on a des trucs qu'eux savent pas faire. Qu'est ce que c'est fun une lesbienne disponible en soirée !!
Alors je répond, surtout amusée, car au delà du machisme voir, de la bêtise, ce qui me chagrine le plus est l'ignorance des gens sur ce que ça fait, d'être gay.  Mes copines hétéros me rétorquent souvent que les relations hétéros et homos sont toutes aussi compliquées. Et souvent, je leur répond que chez les hétéros, t'as un mode d'emploi très sommaire, en mode Ikéa, qui t'indique à peu près comment tu t’emboîtes, et le reste est au génie du client. Nous, on a des morceaux de bois tous identiques et de la super-glue, rien qui s’emboîte, et démerde-toi avec ça. D'ailleurs, ça expliquerait peut-être notre capacité assez phénoménale de s'attacher à des meufs qui veulent pas de nous, et à ressasser des ruptures pendant plus de temps qu'il n'en faudrait. Je me retrouve donc avec mon pot de colle et mes mikados au beau milieu de cette soirée en expliquant qu'au delà d'une pratique sexuelle, pour moi, c'est un art de vivre, une autre façon de penser, et qu'il faut que ça rentre dans leurs petites têtes de testostéronés. Ouais, je sais, défi...

Expliquer, faire comprendre, c'est mon crédo pour m'intégrer chez les hétéros. Bien sur qu'être gay, ça fait de moi quelqu'un d'à part, de différent, mais on est tous différent. C'est mon histoire, au delà de mon sexe, c'est mon coming-out, le faire accepter au boulot, c'est une liste non-exhaustive que les hétéros ne connaîtront jamais. C'est pas parce qu'ils ne connaîtront pas qu'ils ne peuvent pas le comprendre. On demande de la tolérance, le droit d'être comme tout le monde, mais qui prend sérieusement le temps de répondre avec écoute et compréhension ces questions horribles et débiles ?

Dans mon école, il y avait cette jeune fervente catholique, qui avait même monté une aumônerie sur le campus. Ceci dit, nous étions dans la même classe, et aussi au courant l'une que l'autre de nos situations et croyances respectives, nous partagions le même sens de l'humour. Un jour, elle me rencarda dans un café, elle voulait "comprendre" comme elle le disait si bien. "Mais pourquoi ? Pourquoi toi ?  Je ne comprends pas... Tu ne fais tellement pas...  Lesb.. Je peux même pas le dire, non sérieusement, je ne comprends pas." En voyant l'incompréhension dans ses yeux, et touchant l'honnêteté de sa démarche, j'accepte de répondre à ses interrogations. Je lui explique que ce n'est pas un choix, comment ça pourrait l'être ?  Qui se réveille en se disant que, pour le fun, on prendrait bien le risque de se brouiller avec sa famille, ses amis, voir pour certains, même se faire mettre à la porte, risquer de foutre en l'air sa vie pour ce qui se passe uniquement dans son pieu. Non, ça n'est pas un choix. Ce que je ressens ?  Je ressens que ça me semble si naturel, d'être attirée par les femmes, que je ne comprends pas pourquoi certains en font un péché. Que si je pense comme elle, je ne comprends pas ce qu'elle aime chez les hommes, car moi, cette pratique-là me dégoûte. Elle semble perplexe, mais elle comprend, de loin, ne partage pas, mais c'est toujours ça de pris.
Avoir des gosses  ? Bien sur ! Moi, j'ai été élevé par une mère célibataire qui enchaîne les amants, entre les bouteilles de vin qu'elle se siffle seule, alors qu'on m'explique en quoi c'est plus sain qu'une famille homoparentale stable, sous prétexte que ma mère est catholique ? Elle me dit que je tombe dans les extrêmes, et j'essaye de lui faire comprendre que le conscient commun nous plonge, nous les homos, dans un extrême sexuel qui ne nous représente pas, ou si peu. Je suis née dans une famille plus que bien pensante qui cache ses travers pour que les ragots ne circulent pas pendant la messe, je ne suis pas née d'homos, mais bien d'hétéros. Que si elle reste convaincue que l'homosexualité dépend de l'éducation qu'on nous donne, qu'elle commence à éplucher les enfants des églises, qui ont été traînés comme moi écouter la Bible.
Depuis, on rigolait toujours autant, mais après notre diplôme, elle a préféré partir au couvent (oui, ça arrive encore.) Je lui ai écris, mais elle n'a pas le droit de répondre encore, ça se passe comme ça, là-bas. Je dois dire que je suis plutôt fière d'avoir réussi à avoir un dialogue calme, tranquille, compréhensif, avec une fille qui est aujourd'hui nonne. En acceptant la beauté de sa dévotion sans juger, elle a accepté mon gout pour les soirées bourrées à me vautrer dans les seins de toutes les filles.

Si ça, c'est pas de l'amitié !!!